Exposition pour les Journées du patrimoine 2023 à l’hôpital Marius Lacroix, la Rochelle. La commande est d’élaborer une recherche sur les graffitis ancestraux de l’hôpital, et leur transcription dans le verre.

LES INSENSÉS

par Sofia Bauchwitz.

Le travail de Mathieu Duvignaud croise plusieurs supports et médiums, se tournant soit vers une approche picturale bidimensionnelle, soit vers une contemplation de l’espace qui nous ramène à un état d’enchantement initial : une altérité qui se présente comme le témoin partagé de l’évolution constante du monde. 

L’artiste a intégré dans son vocabulaire l’idée d’écotone, cette zone de transition où deux communautés écologiques distinctes se rencontrent et assistent ensemble aux transformations issues de notre présence sur Terre. Son cheminement créatif différent qui passe d’un domaine à l’autre, et qui s’épanouit sur cette frontière est l’essence même dans laquelle s’entremêlent les productions et les recherches de Duvignaud.

Avec cette nouvelle exposition, Mathieu Duvignaud revient sur un processus qui a pris naissance entre les murailles de la ville de Brouage en 2022 (Exposition EMPREINTES, Département Charentes Maritimes et Centre Intermonde), lorsqu’il étudiait les graffitis ancestraux laissés sur les murs. 

A l’intérieur de l’hôpital psychiatrique Marius Lacroix, Duvignaud observe que les traces, témoins d’un passage moins géographique que celle de Brouage, sont ici les marques d’un isolement majoritairement imposé et d’une discipline médicale qui imprègne le voyage de l’histoire humaine. Marius Lacroix porte la tension entre le monde extérieur dit « normal » et le monde intérieur de l’institution psychiatrique. Des couches de murs séparent les patients des dynamiques qui se déroulent de l’autre côté, dans la ville. Les hétérotopies ont besoin de se tenir à distance du monde «sain» et c’est alors que murs, escaliers, couloirs et greniers remplissent ce rôle. 

Duvignaud a justement porté son attention sur ces espaces de l’Hôpital, où près de 200 ans de marques de « voulants dire » sont dans l’attente d’être vues par chaque corps-patient. En étant attentif aux ornements et aux récits intentionnellement inscrits sur les murs, fruits du besoin de ces personnes de se repérer et de se remémorer au monde, l’artiste juxtapose une fois de plus la surface et la matière pour penser les résonances de ces rencontres. 

D’une certaine manière, la recherche écologique que Duvignaud a menée se manifeste ici aussi, lorsqu’il insiste sur le fait que ces greniers, caves et murs peuvent être interprétés comme un écotone : les murs dessinent des transitions abruptes entre ceux qui rêvent et ceux qui ne font que respirer, entre ceux qui soignent et ceux qui sont soignés, entre les bien-portants et les blessés et les somnambules. 

Pour l’exposition, l’artiste a sélectionné quelques inscriptions à mettre en lumière. Leur ethos archéologique ne vise pas seulement à les présenter au public mais à attirer l’attention sur leurs univers fermés et ouverts et à multiplier les interprétations. Le négatif de ces marques est conservé dans le procédé du thermoformage : les marques sont transformées en plaques de verre qui permettent le passage de la lumière à travers elles. La lumière qui traverse les vitraux ne les brise pas, mais force est de constater que le verre lui, lorsqu’il tombe, se fragmente. Aussi, dans une période historique où l’idée d’effondrement environnemental et la fin des rêves humains s’affrontent, il semble pertinent d’envisager un avenir dans lequel le déclin et la fragmentation peuvent signifier des formes de vie. 

L’exposition présente une série de pièces en verre créées spécialement pour les Journées du Patrimoine, et trois installations, l’ensemble peut être interprété comme un inventaire de Mémoires encapsulées dans la substance plasmatique qu’est le verre. L’ensemble constitue une entropie « in situ », qui maintient le passé et le présent entrelacés avec les multiples interprétations que l’on peut extraire d’un dessin apparemment innocent : un bateau voguant sans mer, un visage qui est un visage, une ville submergée, des cartes de l’origine du monde et des monstres ancestraux. Les vitraux apportent des visions empruntées (prémonitions, qui sait ?) et c’est au spectateur d’apprendre à les décrypter, un peu comme des hiéroglyphes. 

En fin de compte, toute mémoire humaine est un terrain vague. 

S.B.

Traduit du Portuguais

HIASTOIRE

L’Histoire racontée par une intelligence artificielle.

Documents photographiques qui soutiennent la chronologie de la TECTONIQUE DE LA FOLIE ; images à l’aspect ancien, tirées d’archives inconnues. 

Il s’agit cependant, pour presque toutes, de co-créations réalisées avec l’intelligence artificielle et qui portent les marques de cette collaboration. L’IA ne peut ainsi pas échapper au monstrueux, même si elle essaie. Les représentations qu’elle créent sont à la limite entre quelque chose qui, à première vue semble humain, mais qui, en y regardant de plus près n’est qu’un masque, un déguisement. Et peut-être que ce qui paraît évident après avoir vu toutes les oeuvres présentes dans l’exposition est le déguisement de la réalité, continuellement mise en tension par le fantasme et l’imagination. 

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